Allo, Jérôme... Quoi ???
Assis à la place de Tagor qui lui avait élégamment prêté son bureau afin qu’il puisse assumer la lourde charge qui lui était
dévolue pour le mois suivant, à savoir diriger la petite troupe, mais surtout faire avancer coûte que coûte l’Isocratie, seul
espoir de sortir notre beau pays de la panade dans laquelle les différents irresponsables dont vous connaissez tous les noms
l’avaient plongé, Falsass l’était aussi (129), mais, quant à lui, c’était dans d’intenses réflexions :
- Brick Nicole, heu… connais pas…Batho Delphine, heu… connais pas non plus… (169) Cahuzac Jérôme ? Tiens, ça me dit quelque chose…
Jérôme Cahuzac. Ministre du budget. C’est quoi ça un budget ? C’est sans doute très important ! Allez, je l’appelle !
Résolu à tenter de convaincre des gens très hauts placés de reprendre à leur compte l’idée d’Isocratie, Falsass
avait donc décidé de s’adresser directement aux Ministres et non plus à de vagues députés fussent-ils européens ou à de vagues
sénateurs fussent-ils cumulards.
- Allo ! Jérôme ?
- Oui, qui êtes vous ? Comment avez-vous eu mon numéro ? Ça fait trois semaines que je me planque. Si vous êtes journaliste, je
vous préviens, je suis très cher et de toutes façons, je n’ai rien à vous dire !
- Quoi ???
- Bon, on peut toujours discuter. Quelle est votre question ? Tout le monde sait tout sur moi, je n’ai plus rien à ajouter.
- ??????
- Et puis pourquoi m’appelez-vous par mon prénom ? On se connaît ?
- ?????????
Pendant que son interlocuteur interloqué tenait ce langage, Falsass compulsait frénétiquement les news pour comprendre pourquoi
le Jérôme en question lui répondait aussi sèchement… C’est en visionnant les interventions incisives de la fine fleur du
journalisme d’investigation qu’il comprit tout à coup. :
La fine fleur du journalisme d’investigation
- Ah, oui, évidemment, je comprends, bon, votre numéro, je l’ai eu tout simplement par la concierge de Bercy, une charmante dame
d’ailleurs. Vous savez, je suis un ancien de la DCRI et tous nos renseignements, on les obtenait de cette façon. Mais,
rassurez-vous, je ne suis pas journaliste, je suis juste le chef provisoire du mouvement pour l’instauration de l’Isocratie, c’est
à dire d’une vraie démocratie en France. Nous n’avons pas besoin d’argent, mais simplement du soutien de quelques personnalités en vue
pour que notre action puisse sortir de l’anonymat dans lequel elle se cantonne depuis plusieurs années (222).
- Ah ! Une personnalité en vue, vous ne pouvez pas mieux tomber ! D’ailleurs, si on pouvait me voir un peu moins, ça ne serait
pas plus mal. A part ça, votre projet m’intéresse. Et sans me vanter, je suis un grand spécialiste de ces questions !
- Heu… Comment ça, Jérôme ?
- Ben, c’est facile à comprendre. Pour arriver à mes fins, il m’a bien fallu connaître tous les rouages du système, toutes ses
failles, tous ses travers et toutes ses insuffisances. C’est pourquoi je suis l’un des mieux placés pour en parler.
- Vous n’êtes pas le seul ?
- Zlatan n’est pas le seul footballeur au PSG, si ? (492)
- Ah ? J’avais cru ! Mais maintenant que vous le dites, oui, je crois qu’il y a aussi Edwy Plenel à l’aile gauche, non ?
- Peut-être, mais on s’égare. Donc je suis bien placé, enfin, si je puis dire. Par quoi voulez-vous qu’on commence ?
- Par le commencement si ça ne vous dérange pas ?
- Non, bien au contraire. Donc au commencement, c’est tout simple, il y a les élections municipales.
- Ah ben oui...
- Donc, parlons des municipales. A votre avis qui veut être Maire ?
- Heu… je sais pas moi, des gens pour qui l’intérêt général prime sur tout, des gens compétents, travailleurs, négociateurs dans
l’âme, ouverts, à l’écoute des problèmes quotidiens de leurs administrés ?
- Oui, bien sûr, des Maires comme ça, il y en a, mais ceux qui nous intéressent ici ce sont tous les autres !
- Ah ? Il y aurait parmi eux des incompétents nombrilistes aux doigts crochus ?
- Exactement, c’est de ceux-là que je veux parler Monsieur… Monsieur comment au fait ?
- Excusez moi, mon nom est Falsass le chat, mais vous pouvez m’appeler Falsass.
- Bien, voyez-vous en France, d’une part nous avons ce fabuleux scrutin majoritaire à deux tours qui assure une confortable
majorité aux élus arrivés en tête et ça quelque soit leur score réel. Ce qui signifie qu’il n’y a jamais rien à négocier si le
Maire ne le souhaite pas. D'autre part, malgré les lois sur l’obligation de communication des documents publics et l’existence de la
CADA, un Maire ne rend public que ce qu’il veut bien rendre public.
- Ce que vous voulez me dire, c’est qu’il a quasiment le pouvoir absolu.
- Pas vraiment, mais on est très près de ça. Ensuite il y a ce fameux cumul des mandats. Evidemment, ça permet de cumuler de
l’argent et du pouvoir, mais le pire c’est que les règles régissant les droits et obligations des Maires sont établies par les
députés qui sont eux-mêmes Maires ! Tout va donc toujours aller dans le sens qui les arrange. Vous ne vous êtes jamais posé la
question de savoir pourquoi il fallait autant de candidats dans les listes ? Divisez ce nombre par deux et vous aurez trois fois
plus d'opposants aux Maires sortants. C'est une façon de se protéger quand on est en place, tout simplement. Et des diableries
comme celle-là, les lois et règlements en regorgent.
- Donc, si j’ai bien compris ce que vous voulez dire, c’est qu’un Maire peut, si c’est son intention, obtenir un énorme pouvoir
sans partage et peut aussi cacher ce qu’il souhaite cacher. Et c'est ça qui attire finalement pas mal d’aigrefins de tout poil.
- Exactement ! Si les règles étaient différentes, si certaines d'entre elles étaient établies par des
organismes vraiment indépendants, ces individus ne penseraient même pas à se présenter et il n’y aurait jamais aux postes de
« responsabilité » des gens comme… hum… comme… heu...
- Comme vous ?
- Ah ben oui ! Mais bon, je ne suis pas tout seul hein ? Allez, c’est pas tout ça, mais je vois arriver les camions de la télé et un
car de journalistes, faut que je file. Salut Falsass ! Et bonne chance pour la suite !
(129) Encore un zeugme à la noix comme celui-là et
je démissionne (Note de l’éditeur)
(169) Il semblerait que cet épisode soit largement inspiré des Guignols de l'info... Encore une ruse de l'auteur !
(222) Voir encore et toujours l'incontournable "A l'Asso. du Bon Sens" aux éditions TBE.
(492) Qu'est-ce que je vous disais !
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